mercredi 3 mars 2021, par
Ce texte est proposé à la réflexion par un camarade du STICS 13.
Messieurs,
Depuis déjà trop longtemps, en France et ailleurs, du moins du côté de « l’occident », nous les hommes, on n’arrête pas d’engueuler les femmes, en rapport à la libération sexuelle. Et qu’elles font fausse route, et qu’avec leurs conneries, on se demande où est passé notre bonne vieille virilité, celle de papa et du grand-père, de tous nos semblables qui savaient mourir à la guerre et conduire un foyer avec une saine autorité. On les engueule comme si elles y étaient pour quelque chose, comme si elles étaient responsables, elles, dans cette révolution que nous avons, pour certains, menée ensemble. C’est tout de même épatant que nous, dominants, on vienne chialer parce qu’une dominée n’y met pas du sien…
On entend aujourd’hui des hommes se lamenter de ce que l’émancipation féministe nous dévalorise, nous les mecs. On regrette cet avant lorsque notre domination prenait racine dans l’oppression féminine. On oublie que cet avantage politique qui nous était et nous est encore donné a toujours un coût : les corps des femmes n’appartiennent aux hommes qu’en contrepartie de ce que les corps des hommes appartiennent à la production, en temps de paix, à l’État, en temps de guerre. La confiscation du corps des femmes se produit en même temps que la confiscation du corps des hommes. Il n’y a de gagnants dans cette affaire que quelques dirigeants.
Nous, les hommes, dénonçons avec virulence injustices sociales ou raciales, mais nous nous montrons si souvent indulgents et compréhensifs quand il s’agit de domination machiste. Nous sommes trop nombreux à vouloir expliquer que le combat féministe est annexe, un sport de riches, sans pertinence ni urgence. Il faut être vraiment malhonnête pour trouver une oppression insupportable et juger l’autre pleine de poésie.
Questionnons-nous sur ce que c’est d’être un homme, sur toutes les barrières que nous nous mettons pour être ce que notre société patriarcale veut que l’on soit. Questionnons-nous pour que l’on puisse enfin être soi et non l’image publicitaire et politique que l’on veut nous imposer. Se libérer de ces images c’est un premier pas vers notre propre libération et par là même vers la libération de toutes celles qui subissent notre domination. Profitons de notre liberté et de leur liberté pour vivre enfin libre. Car comment être libre avec des esclaves autour de soi, pour soi, sans être soi-même l’esclave de l’autre, de cette société esclavagiste ? [1]
Si nous n’allons pas vers cet inconnu qu’est la révolution des genres, nous connaissons exactement ce vers quoi nous régressons. Un État tout-puissant qui nous infantilise, intervient dans toutes nos décisions, pour notre propre bien, qui – sous prétexte de mieux nous protéger – nous maintient dans l’enfance, l’ignorance, la peur de la sanction, de l’exclusion. Comprendre les mécanismes de l’infériorisation des femmes, comment elles sont amenées à en être les meilleurs vigiles, et comment nous les hommes nous participons à ceci, c’est comprendre les mécanismes de contrôle de toute la population. Le capitalisme est une religion égalitariste, en ce sens qu’elle nous soumet tous, et nous amène chacun à se sentir piégé, comme le sont toutes les femmes.
Serge
Plagiat-extrait du livre de Virginie Despentes : King Kong théorie – Grasset
[1] Hors plagiat